Lizzie Crowdagger

Tromperies sur la marchandise

Dans la salle de réunion du conseil des Sages de la Sororité de Sorcellerie, la grande aiguille de la vieille horloge fit un mouvement presque imperceptible et vint indiquer qu’il était minuit moins six.

La pièce était grande, surtout par rapport au nombre de personnes présentes, qui ne dépassait jamais sept, l’intégralité du conseil. En général, il y avait toujours une ou deux absentes. Ce soir, elles n’étaient que cinq. Malgré leur nombre limité, la discussion s’était avérée longue et houleuse.

La vieille horloge n’était pas le seul meuble surdimensionné de la salle : la table en bois massif était également beaucoup trop grande, et il y avait aussi de larges commodes qui n’avaient probablement pas été ouvertes depuis des années. Un antique chandelier pendait du plafond, mais n’était pas utilisé : on était au vingtième siècle, plus personne n’avait envie de perdre des heures à allumer des bougies.

La doyenne Morgane regardait tout cela d’un air las, sans vraiment écouter les chamailleries de ses collègues. Elle déplorait l’opulence ridicule de l’endroit, sans compter qu’en hiver, la salle était impossible à chauffer correctement. Morgane avait entendu les arguments pour justifier de se réunir dans une pièce suffisamment grande pour accueillir cinquante personnes : autorité, solennité, majestuosité. Foutaises. Elles étaient des sorcières, pas des politiciennes, même si, parfois, comme lors de la discussion de ce soir, on pouvait en douter. Mais le monde avait changé, et il fallait s’adapter. La sorcellerie ne pouvait plus être une activité clandestine : il fallait s’assimiler ou être éliminées.

Le regard de la doyenne s’attarda sur l’horloge, et elle estima que la discussion avait suffisamment duré. Elle frappa trois fois contre la table, faisant résonner contre le bois la bague qu’elle avait au majeur.

— Chères sœurs, annonça-t-elle, je pense que nous avons suffisamment discuté et que nos positions n’évolueront plus. Pouvons-nous passer au vote ?

Autour de la table, quelques hochements de tête validèrent sa décision. Sally était celle qui l’approuvait le plus vigoureusement, agitant énergiquement son menton en galoche. Morgane s’estima donc légitime pour lancer le vote.

— Concernant la radiation à caractère rétroactif de Vénus pour nous avoir trompées sur sa véritable identité, qui est pour ?

***

À l’extérieur de la pièce, ne pouvant voir ni entendre ce qui se déroulait à l’intérieur, une femme aux cheveux tondus et à la carrure de championne de rugby fumait nerveusement une cigarette, snobant superbement le panneau d’interdiction placé juste en face d’elle.

Vénus regarda sa montre d’un air anxieux. Plus que cinq minutes. Elle priait tous les dieux pour que les résultats de la délibération soient ceux qu’elle espérait.

Alors que l’on attendait les dernières retardataires pour commencer la réunion du solstice d’hiver, il y eut des regards surpris lorsque Vénus entra, accompagnée de Sally. Cette dernière paraissait tendue, ou peut-être en colère.

Morgane le voyait à la façon dont elle agitait sa cane. Officiellement, Sally, à soixante-dix ans, avait des problèmes pour marcher. Pourtant, Morgane l’avait déjà vue taper des sprints lorsqu’elle en avait besoin, et elle soupçonnait sa consœur de surtout affectionner sa béquille au lourd pommeau en métal pour pouvoir se défendre en cas d’altercation physique. Elle avait entendu de jeunes étudiantes émettre des hypothèses sur le pouvoir magique que renfermait le bâton, mais Morgane savait qu’il n’en était rien. La première règle de la sorcellerie était de ne pas utiliser de sorcellerie à moins que cela ne soit strictement nécessaire, et une cane maniée avec habileté par une petite mamie qu’on pensait inoffensive à cause de son âge était suffisante pour se dépêtrer de la plupart des situations.

Vénus, elle, semblait tout sauf inoffensive : trente ans plus jeune, elle était grande et large et ses cheveux étaient à mi-chemin entre la crête de punk et la coupe militaire. Sa tenue montrait la même ambiguïté : treillis, rangers et blouson clouté. Elle avait, dans le passé, été durement critiquée pour son usage inconsidéré de la sorcellerie. Morgane était plus mitigée sur ce sujet : elle était assez persuadée que Vénus n’utilisait la magie qu’en dernier recours ; si elle devait être critiquée, c’était surtout pour sa tendance inconsidérée à se mettre en position de devoir utiliser ce dernier recours.

Ne faisant pas partie du conseil des Sages, Vénus resta un peu en retrait, tandis que Sally s’avançait pour rejoindre ses consœurs. Elle les salua d’un petit hochement de tête, en terminant par Morgane, puis prit une grande inspiration qui annonçait de funestes paroles.

— Mesdames, lança-t-elle. J’ai conscience que c’est un peu cavalier, mais la jeune “demoiselle” ici présente aurait une déclaration à faire.

Vénus baissait la tête, l’air embarrassée. Morgane se demandait ce que la téméraire sorcière avait encore fait.

***

— J’ai, euh…

L’ensemble des aînées se tournaient vers elle, et Vénus dut inspirer un grand coup pour oser se lancer. Elle n’avait pas pensé que ce serait aussi difficile.

— Durant toutes ces années, il y a quelque chose que je n’ai pas osé vous dire, et les circonstances actuelles font que je souhaiterais clarifier ma situation aujourd’hui.

Il était vrai, songea-t-elle amèrement, que le faire demain risquerait d’être plus compliqué. Elle prit son courage à deux mains, et lâcha le mot.

Il y eut des réactions de stupéfaction lorsqu’elle annonça qu’elle était transsexuelle. Elle dut expliquer de quoi il s’agissait et répondre à beaucoup de questions, pas toutes pertinentes.

— Tu veux devenir un homme ? demanda Agnès.

— Non, expliqua Vénus. J’ai été un homme.

Pour ce qu’elle en savait, ce n’était pas la meilleure façon de dire les choses, mais, le temps étant compté, elle n’allait pas faire dans la finesse.

— Quelle drôle d’idée, commenta Bernadette avec un sourire en coin. Pourquoi t’as fait un truc pareil ?

Vénus lâcha un soupir. Elle appréciait plutôt la joviale Bernadette, mais elle avait parfois le chic pour ne pas comprendre, ou en tout cas pour faire semblant.

— Je suis née comme ça, expliqua-t-elle.

— Oh, je le savais ! s’exclama Bernadette.

Sa remarque déconcerta Vénus. Si elle le savait, pourquoi est-ce qu’elle avait posé la question précédente ?

— Je veux dire, expliqua Bernadette, les étudiantes racontent toujours des cracks. « Vénus vient des enfers », qu’elles disent. Moi, je leur ai toujours dit que non, non, elle est née comme vous et moi.

Ce fut au tour de Sally de pousser un soupir d’exaspération.

— Je pense que Vénus nous a dit tout ce qu’elle avait à nous dire. Nous pourrions peut-être poursuivre la discussion en commençant la réunion, non ?

Vénus jeta un regard interrogatif vers la doyenne Morgane. Celle-ci la fixa un instant de ses yeux bleu intense, puis acquiesça d’un petit signe de tête.

Vénus sortit donc pour laisser le conseil décider de son sort en privé.

Sally continuait à haranguer le petit groupe de sorcières. Elle mettait beaucoup d’énergie à convaincre son auditoire que Vénus devait être radiée. Pas seulement radiée : elle devait être considérée comme n’ayant jamais été une sorcière.

— Elle nous a menti pendant toutes ces années ! expliquait-elle. Je ne dis pas qu’il ne faut pas être tolérantes. Chacune ici sait que je suis ouverte d’esprit, personne ne peut me contredire. Si elle avait été honnête avec nous dès le début, peut-être que je n’aurais pas vu de problème. Mais là, il faut voir la vérité en face. Elle nous a trompées sur toute la ligne. Elle n’a jamais rempli les conditions pour être une sorcière !

C’était la première fois que le cas d’une sorcière transsexuelle se posait vraiment à la Sororité, et Sally était bien déterminée à ce que celle-ci tranche avec le maximum de sévérité. Elle était l’une des Aînées les plus influentes et les plus respectées mais, malgré ça, il y avait des réticences. Vénus avait, après tout, consacré ses dix dernières années à la sorcellerie, et il fallait admettre que si ses méthodes étaient parfois discutables, sa loyauté ne faisait aucun doute.

Sally avait d’ailleurs dû changer son fusil d’épaule. Elle avait commencé par argumenter que Vénus était, en réalité, un homme, mais s’était faite rembarrer assez vertement par Bernadette, qui estimait qu’à ce stade il fallait arrêter de fumer les grimoires. Morgane l’avait appuyée : elle voulait bien que l’on discute pour déchoir Vénus de son titre de sorcière (ce n’était d’ailleurs pas la première fois, un épisode obscur ayant impliqué l’apparition d’un dragon en plein cœur de Paris avait déjà soulevé des questionnements similaires), mais ce n’était pas à elles de dire que Vénus n’était pas une femme.

Alors que Sally donnait de nouveaux arguments pour exclure Vénus, Morgane tripotait sa bague de doyenne, songeuse. Tout cela était étrange. Si Vénus avait réussi à garder le secret aussi longtemps, pourquoi cette révélation maintenant ? Elle n’était pas le genre à tenir à confesser ses cachotteries. Et pourquoi cette réaction outragée de Sally ? Celle-ci était l’une des amies les plus proches de Vénus, et l’avait, jusque-là, toujours défendue. Peut-être avait-elle mal vécu cette révélation brutale ? À moins qu’il ne se soit passé quelque chose d’autre entre elles ?

Assise dans le noir, une cigarette à la bouche, Vénus regardait dormir sa sœur Vesper. Devant elle, sur la petite table, un cendrier rempli de mégots et une collection de bouteilles de bières vides témoignait du temps qu’elle avait passé dans la pièce.

C’était la troisième nuit qu’elle veillait Vesper, et elle savait que ce serait la dernière. C’était la vie, songea Vénus, amère : à la fin, on mourait.

Sauf que ce n’était pas juste : Vesper était encore jeune, trop pour mourir comme ça. Et, contrairement à Vénus, c’était une fille bien. Elle ne méritait pas ça.

D’un geste déterminé, Vénus écrasa sa cigarette dans la pile de mégots. Ce n’était pas non plus comme si elle ne pouvait rien faire.

Vénus grimaça quand elle sentit le tissu de la réalité se distendre légèrement. Le phénomène n’était pas aussi impressionnant que ce à quoi on aurait pu s’attendre : pas de lampes qui s’éteignaient (elles l’étaient déjà, de toute façon), pas d’éclairs, pas de bruit. Dans l’obscurité, un observateur non averti aurait facilement pu ne pas remarquer la chose, mais Vénus était assez aguerrie pour savoir ce que signifiaient la légère baisse de température, ses poils de bras qui se hérissaient, et la légère odeur de poudre qui titillait ses narines.

Enfin, le prince des enfers apparut. Il n’était pas monstrueux, comme on le présentait souvent. À vrai dire, s’il était grand, il était plutôt beau et bien habillé, plus dandy que bête à cornes. Vénus savait cependant qu’elle ne devait pas baisser sa garde pour autant.

— Vous êtes venu chercher son âme en personne, commenta-t-elle sans se lever de sa chaise.

— Bien sûr, Amour, répondit le Diable avec un sourire carnassier. Je savais que tu serais là. Je voulais voir ton expression à l’idée que la personne à laquelle tu tiens le plus serait tourmentée en Enfer.

Vénus grimaça. Elle avait joué avec le feu, durant les années passées, et si Vesper était condamnée à l’Enfer, c’était sans doute en bonne partie à cause d’elle. C’était dur de ne pas se sentir un peu coupable.

— Tu as joué au con, Beauté, souffla le Diable en approchant son visage de celui de la sorcière. Tu as utilisé de la magie noire, tu as trompé des démons, tu en as renvoyé en Enfer. Tu as joué au con, Vénus, et tu le payeras. Quand ton heure viendra, tu souffriras mille tourments. Considère aujourd’hui comme une petite mise en bouche.

La sorcière eut un petit sourire, et elle plongea son regard dans celui du Diable.

— Pourquoi attendre ? demanda-t-elle. On pourrait faire un marché. Laisse-la, et prends-moi à sa place.

— Oh ? fit le Diable d’un air railleur. Toi, jouer les altruistes ? J’ai du mal à y croire.

Vénus haussa les épaules d’un air las.

— Je ne suis plus aussi jeune qu’avant. Je suis fatiguée de voir mourir les gens que j’aime. Prends-moi à sa place !

Le Diable éclata d’un rire sonore. Puis il fit un sourire horrible et plaça son visage à quelques millimètres de celui de Vénus, qui dut lutter pour ne pas reculer.

— Je ne m’attendais vraiment pas à ça. Cela dit, moi, ça m’arrange. Son âme ne m’intéresse pas plus que ça, mais la tienne… Tu vas adorer ce que je vais te faire.

— J’ai deux conditions. D’abord, je veux que tu soignes Vesper. Cela doit être dans tes capacités. Ensuite, je veux avoir une dernière journée pour laisser les choses en ordre. En échange de quoi, ce soir, quand l’horloge sonnera le dernier coup de minuit, tu pourras prendre l’âme de la sorcière Vénus. Je m’y engage solennellement. Ça te va ?

Le Diable parut réfléchir, puis il hocha la tête avec un petit sourire plein de satisfaction.

— Marché conclu ; mais tu es vraiment stupide, ma belle.

Il disparut dans un éclair rouge, puis l’obscurité revint. Vénus alluma alors la lampe de chevet, et aperçut Vesper qui se réveillait. La voir ouvrir les yeux, lucide, après ses derniers jours passés à délirer, emplit le cœur de Vénus de soulagement, et lui fit, quelques secondes, oublier ce qu’elle venait de faire.

Vesper, elle, avait cela bien en tête.

— Mon Dieu, qu’est-ce que tu as fait ? demanda-t-elle.

— Dans le jargon, répondit Vénus en posant la main sur celle de sa sœur, on appelle ça jouer au con.

Vénus attendait toujours, et elle commençait à être vraiment nerveuse, lorsque la porte s’ouvrit enfin.

La doyenne Morgane sortit de la pièce et se tourna vers elle, manifestement mal à l’aise.

— Je suis désolée, annonça-t-elle, mais nous avons procédé au vote et la majorité a tranché en faveur de ta radiation.

Vénus grimaça.

— Étant donné les circonstances, reprit la doyenne, il a également été décidé que tu n’avais jamais rempli les conditions nécessaires pour être une sorcière. Par conséquent, notre décision est rétroactive.

Vénus ne dit rien. Elle se concentrait sur sa respiration pour digérer la nouvelle et éviter de faire paraître ses émotions.

— Je suis désolée, répéta la doyenne alors que les douze coups de minuit commençaient à retentir. Je dois y retourner, nous avons d’autres sujets à traiter.

La sorcière rentra à nouveau dans la salle du conseil, tandis que Vénus s’assit sur un banc, la tête entre les mains.

— C’est l’heure ! annonça alors joyeusement le Diable.

Cette fois-ci, elle ne l’avait pas vu apparaître. Pas assez concentrée, sans doute, pour remarquer les signes avant-coureurs.

— Écoute, fit Vénus d’un air embarrassé. Je ne sais pas comment dire ça, mais je ne vais pas venir.

Le Diable eut un petit sourire joyeux, puis toute élégance disparut chez lui et ses mains griffues se resserrèrent autour de la gorge de Vénus, qu’il plaqua contre le mur.

— On a fait un marché, Beauté. Tu vas me suivre en bas. Tu vas voir. Ça te plaira.

— Non, répliqua Vénus.

— Tu as passé un marché, répéta le Diable. Et pas le genre avec un délai de rétractation d’une semaine. Tes mots t’engageaient, et tu le savais.

— Le marché… dit Vénus en devant lutter pour parler. Mes mots… C’était que tu aurais l’âme… de la sorcière Vénus…

Le Diable émit un grognement d’approbation et se passa la langue sur les lèvres.

— C’est cela même, ma Belle. Aux douze coups de minuit. Il est temps d’y aller.

— Sauf que… protesta Vénus avec un sourire déformé par l’étranglement. Il n’y a pas… de sorcière… Vénus…

Le Diable fronça les sourcils, sans comprendre.

— Elle a raison, fit Sally, qui venait de sortir de la pièce.

Elle pointa sa cane vers Vénus, que le Diable étranglait toujours.

— Elle n’a rien d’une sorcière, expliqua-t-elle. Nous avons décidé qu’elle était née homme, nous avait trompées durant plus d’une décennie, et, par conséquent, ne pouvait prétendre au titre de sorcière.

Le démon grogna, et montra ses dents à Vénus.

— Tu te fous de moi ? demanda-t-il.

— Suis née… en vie… répondit-elle dans un grognement, en présentant un doigt d’honneur au Diable. Je compte… le rester…

Le prince des enfers continua à serrer une poignée de secondes, murmurant quelques mots à l’oreille de Vénus que seule celle-ci put entendre, puis il disparut dans une explosion de soufre et de fumée, et celle qui n’avait jamais été une sorcière s’écroula par terre.

— Qu’est-ce qu’il a dit ? demanda Sally d’un ton détaché.

Vénus, à genoux, essayait péniblement de reprendre son souffle. Avant de répondre, elle prit le temps de respirer un peu et de s’asseoir sur le banc. Elle avait de grosses marques rouges autour de la gorge.

— Comme d’habitude, dit-elle finalement en sortant une cigarette de la poche de son blouson. La diatribe du loser aigri qui promet une vengeance.

— Tu sais, le vote était serré. Pour un peu, tu te retrouvais vraiment en Enfer.

Vénus haussa les épaules.

— Je n’aurais pas pris le nom de l’étoile du matin si je n’étais pas prête à prendre ce genre de risques.

— Certaines personnes diraient que renier une partie importante de son identité pour sauver sa peau, ça ne vaut pas mieux.

— Je ne sais pas, répondit Vénus en se levant. Les morts ne donnent pas beaucoup de leçons de morale.

Sally hocha la tête.

— En tout cas, sache qu’elles n’ont pris cette décision que parce que je leur ai mis la pression. Je pense que sur la fin, elles étaient pas mal à se douter que ça cachait quelque chose et m’ont suivie uniquement parce qu’elles me faisaient confiance. Je veux dire, elles t’auraient acceptée telle que tu es.

Vénus hésita un instant avant de répondre.

— Bien, finit-elle par dire.

— Tu es vraiment transsexuelle ? demanda Sally. Ou tu as sorti ça de ta manche parce que tu n’avais plus d’atouts dans ta partie de cartes avec le Diable ?

Vénus inspira une bouffée de tabac et ne répondit pas.

— Je veux dire, ce serait crade.

Vénus haussa les épaules.

— Je laisserai les historiens discuter du sujet. Merci pour le coup de main, en tout cas.

— Joyeux solstice.

— Ouais. Toi aussi.

***

Vénus sortit du bâtiment de la Sororité et grimaça en constatant qu’il pleuvait légèrement. Elle entreprit d’allumer une cigarette et dut s’y reprendre à trois reprises, à cause du vent.

Lorsqu’elle put enfin inspirer une bouffée de tabac, elle fit le point sur sa journée. Le futur ne s’annonçait pas vraiment joyeux : elle ne serait maintenant plus considérée comme une sorcière, et le Diable avait de nouvelles excellentes raisons de lui en vouloir personnellement.

En attendant, sa sœur était toujours en vie, et elle aussi. Elle avait joué au con ; cela aurait pu mal finir, et aurait sans doute des conséquences brutales dans un avenir proche, mais, ce qui comptait surtout pour l’instant, c’était qu’elle avait plus ou moins gagné.