« Chapitre 12

Chapitre 13

Le départ eut lieu le lendemain et le voyage se déroula sans encombre. La petite troupe, constituée d’Axelle, Kalia, William, Edine et Armand, atteignit le Darnolc en quarante-huit heures grâce aux dragons.

Ils retrouvèrent Ly et passèrent deux jours près de la frontière à examiner la meilleure route pour poursuivre le voyage. Finalement, Edine dénicha deux Nytelovers qui connaissaient bien la région et qui acceptèrent de les guider.

Ils devaient passer à travers la forêt de Stype, au sud, qui leur permettrait d’atteindre la capitale sans se faire remarquer.

« On ne pourra pas se servir des dragons dans la journée, expliqua Axelle. Et il vaudrait mieux éviter la nuit aussi. Ce serait con de se faire repérer à cause de ça.

— Hein ? protesta Kalia. On ne va quand même pas avancer à pied ?

— Je croyais que les promenades en forêt ne faisaient pas peur aux elfes ? demanda Edine.

— Aux elfes en général, je ne sais pas. À moi, si. Surtout quand c’est sur mille bornes.

— C’est vrai que ce n’est pas la porte à côté. Ça ne me plaît pas non plus mais, apparemment, c’est faisable en deux semaines si on marche bien. Et, accessoirement, ça nous permettra sans doute de rencontrer de la compagnie. »

Ils ne marchèrent manifestement pas très bien car, après avoir laissé Ly et Armand à la frontière, il leur fallut près d’un mois pour atteindre leur destination.

En réalité, cela ne venait pas vraiment de leur vitesse de marche, qui n’était pas remarquable mais était compensée par l’utilisation des dragons dans les zones à moindre risque. Ils perdirent surtout du temps en « rencontrant de la compagnie », c’est-à-dire en visitant différents villages pour préparer les sympathisants Nytelovers aux évènements qui allaient arriver — même si la teneur exacte de ces évènements était encore assez floue.

À ces moments, seul Edine et un des orcs qui les accompagnaient allaient dans les villages tandis que les autres restaient cachés en forêt. Cela frustrait Axelle, qui trouvait que c’était une perte de temps, tandis que Kalia était ravie de pouvoir reposer un peu ses pieds.

Au fur et à mesure de ces haltes, des orcs se joignirent à eux et ce fut à une cinquantaine qu’ils atteignirent un petit village abandonné qui était situé à une journée de marche de la capitale.

« On reste là pour le moment, expliqua Edine. On ne peut pas s’approcher plus sans risquer d’être repérés. Seul William ira en ville.

— D’accord, on fait comme convenu, répondit Axelle tandis que les orcs commençaient à s’installer. Qu’est-ce qu’il s’est passé ici ?

— Je ne sais pas. Peut-être que les gens sont partis en ville.

— Tous ?

— C’est relativement fréquent, en fait. Avant, les petits paysans pouvaient vivre de leurs récoltes, mais avec la modernisation de l’agriculture ils n’ont plus le droit de cultiver les terres des seigneurs. Alors beaucoup de gens quittent les campagnes pour avoir un travail en ville, ou dans l’armée.

— Ils se sont sacrément entraînés avant de partir, alors », remarqua Kalia en désignant des impacts de tirs sur certains bâtiments.

Edine contempla les trous sur les murs avec un regard triste.

« En fait, soupira-t-il, il y a deux solutions pour les petits paysans : soit aller chercher un travail dans une fabrique en ville, soit refuser de lâcher les terres qu’ils cultivent depuis des années. Le roi n’a pas beaucoup de pitié pour ceux qui choisissent de résister.

— C’est bientôt fini, lui dit Axelle pour le réconforter.

— J’espère que tu dis vrai, soupira l’orc. Parce que si on échoue, on est mal.

— Pour l’instant, ça se passe plutôt bien. Déjà, on est toujours en vie. »

***

L’étape suivante du plan d’Axelle fut l’« infiltration » par dragon de William dans la capitale. Au début, ce dernier fut content de voir le temps se couvrir, puis la pluie arriver, estimant que cela améliorait leurs chances de ne pas se faire repérer.

Pourtant, au moment du vol, cela rendit au contraire les choses plus compliquées, puisqu’Axelle, malgré le verre enchanté de son amie, était complètement incapable de voir si elle se trouvait au bon endroit.

« Je refais un passage, murmura-t-elle.

— Laisse tomber. On n’y voit rien.

— Tu veux qu’on abandonne pour ce soir ?

— Non. Pas question que je me sois trempé pour rien. Laisse-moi n’importe où, je trouverai mon chemin.

— C’est du suicide.

— Tout ton plan pourri, c’est du suicide, grommela le vampire. Approche-toi d’un toit et je saute.

— Tu es sûr que c’est ce que tu veux ?

— Non. Ce que je veux, c’est une clope sèche. Mais tu n’as pas ça sur toi. »

William sauta, atterrit sur un toit en pente, glissa et s’accrocha à une gouttière alors qu’il allait basculer dans le vide.

« T’as toujours le chic pour trouver des plans pourris, remarqua Angèle.

— Ouais, ouais, fit le vampire en essayant de remonter. Tu ne veux pas disparaître ?

— Je te rappelle que ton plan implique ma participation.

— Ce n’est pas mon plan. Et si tu veux te rendre utile, essaie de repérer où je dois aller.

— D’accord. Juste une question, avant.

— Quoi ? demanda William en terminant de se hisser sur le toit.

— Ça n’aurait pas été plus simple de me demander ça avant de sauter ? »

***

Le jeune orc sursauta lorsque William atterrit derrière lui.

« C’est moi que tu attends, je crois, annonça-t-il en orc.

— Je commençais à désespérer, à vrai dire.

— J’ai eu un contretemps.

— Ne traînons pas. Je vais te montrer ta planque. »

La planque en question était une petite cave condamnée à l’arrière d’une taverne située en face du palais. Le vampire grimaça lorsqu’il la découvrit.

« C’est là-dedans que je vais devoir rester pendant je ne sais combien de temps ?

— Je passerai de la nourriture par le soupirail. Il vaudrait mieux éviter de sortir.

— Je sens que je vais follement m’amuser.

***

Effectivement, William ne s’amusa guère durant les jours suivants ; il restait couché ou faisait les cent pas toute la journée pendant qu’Angèle, elle, pouvait se promener dans les couloirs du palais.

Le pire, c’était qu’elle ne pouvait s’écarter de lui qu’à la condition qu’il fournisse un effort de concentration, ce qui épuisait complètement le vampire.

Les jours, puis les semaines, passèrent sans événement notable. Angèle avançait à pas de fourmi. Elle parvint cependant à confirmer la présence du roi dans le palais et à trouver où il dormait, ainsi que la mystérieuse jeune femme qui l’accompagnait.

Pendant ce temps, au campement, Axelle recevait les morceaux de plan que lui envoyait William et cherchait un moyen fiable de rentrer dans le château pour assassiner le roi sans réveiller tous les gardes.

Comme il était probable que les grands seigneurs et les généraux refuseraient de laisser le pouvoir uniquement parce que le roi aurait passé l’arme à gauche, il fallait aussi prendre le contrôle des postes stratégiques de la ville. Les Onims avaient fait une alliance avec la reine et étaient supposés s’occuper en grande partie de ça, mais la démone passait un temps important à dialoguer avec eux via chauves-souris pour être sûre qu’il n’y aurait pas de fausse note le jour J.

Les Nytelovers étaient de plus en plus nombreux au campement et le village paraissait de moins en moins abandonné. C’était une source d’inquiétude car plus il y avait d’agitation, plus les chances d’être repérés avant l’assaut augmentaient.

Axelle voulait donc attaquer dès que possible, tant qu’il y aurait un effet de surprise, et elle n’attendait plus que des conditions météorologiques favorables — un bon brouillard aurait été l’idéal — pour déclencher les hostilités. Malheureusement, ce n’était pas le bon moment de l’année et le brouillard ne venait pas.

Ses plans furent quelque peu contrariés par un message que William lui retransmit et qui provenait d’Armand. Erekh avait attaqué le Darnolc.

***

Les orcs s’étaient, pour la plupart, regroupés autour du feu, et ils chantaient. Kalia ne comprenait pas vraiment les paroles. Si elle était à peu près capable de comprendre leur langue à l’écrit, elle était beaucoup moins douée à l’oral.

Elle chercha Edine et alla s’asseoir à côté de lui.

« Salut, dit ce dernier. Ça va ?

— Oui. Autant que c’est possible.

— J’imagine.

— Je suis désolée. Axelle et moi, on ne peut pas dire qu’on a été très sociables, dernièrement.

— Ce n’est pas grave. J’imagine que vous aviez des choses importantes à faire.

— Ouais », grommela l’elfe. Axelle avait été occupée, oui, avec ses lettres et ses plans. On n’avait, par contre, pas demandé grand-chose à Kalia. Elle s’était bien installée dans l’ancienne forge et avait un peu bricolé, mais « important » était sans doute un peu exagéré pour qualifier ce qu’elle avait fait.

« Qu’est-ce qu’ils sont en train de chanter ? J’ai cru reconnaître « sang » et « mort ». Ça n’a pas l’air très joyeux.

— Ça dit qu’on se battra jusqu’au bout pour la liberté, et qu’on gagnera, même si le sang doit couler, même si on doit mourir. En gros.

— Ah. Et ça ne dit pas que ce serait quand même plus sympa que ça se fasse sans que le sang ne coule trop et qu’il y ait trop de morts ? Je veux dire, je ne tiens pas à mourir, même pour une bonne cause.

— J’imagine. Tu as peur ?

— Oui.

— Je suppose que c’est le cas de tout le monde.

— Même Axelle. »

Cela avait étonné la jeune femme lorsque son amie lui avait confié cela. Elle paraissait tellement inébranlable.

Finalement, cela rassurait un peu l’elfe. Elle n’avait jamais douté du fait que la démone avait en réalité des sentiments très humains, même si elle le niait, mais il lui arrivait parfois de trouver que sa témérité confinait à la folie.

« Justement, je voulais te parler d’elle. Il y a des rumeurs qui circulent.

— De quel genre ?

— Du genre pas si éloignées de la vérité. Certains pensent qu’elle est un demi-démon.

— Ça pose vraiment problème ?

— Je ne sais pas. Il y a des bons côtés. Ça renforce leur moral. Ils sont persuadés qu’elle va démolir le roi. Seulement, certains ne lui font pas vraiment confiance. Ils pensent qu’une fois le roi mort elle va garder le pouvoir pour elle.

— Hum. Et tu en penses quoi ?

— Moi ? répondit Edine en souriant. Je lui fais confiance. Il n’y a pas de problème. Simplement… si elle pouvait communiquer un peu, plutôt que de rester enfermée, à envoyer ses messages par chauves-souris… »

***

Axelle tenait son miroir devant elle de la main gauche. Il était petit et fissuré, mais c’était le seul qu’elle avait pu trouver et, pour ce qu’elle en faisait, c’était suffisant.

Elle cligna des yeux et sourit. Tout ce qu’elle voyait à travers le droit était atrocement flou mais, étant donné que quelques semaines plus tôt l’orbite était vide, c’était plutôt bon signe.

Apparemment, il lui restait encore un peu de ses pouvoirs démoniaques. Il fallait maintenant espérer que cela suffirait pour affronter Elyareleth.

***

« Ah, fit Axelle. Vous êtes là. Je vous cherchais.

— On parlait justement de toi, répondit Kalia.

— En bien ou en mal ?

— Ce n’est pas si simple.

— Il y a des choses que je devrais savoir ? »

L’elfe et l’orc se concertèrent du regard, puis Kalia hocha la tête.

« Je pense. Assieds-toi.

— Qu’est-ce que j’ai encore fait ?

— Il y a des rumeurs sur toi, expliqua Edine. Des gens pensent que tu es un demi-démon.

— Oh.

— Tu devrais peut-être leur dire la vérité ? suggéra l’elfe.

— Oui, bien sûr. « On vous a dit que j’étais un demi-démon. C’est entièrement faux. Je suis un démon entier. » Ça va les rassurer.

— Ce serait honnête, répliqua Edine. Les orcs n’ont pas autant de préjugés que les humains sur ce sujet. Je ne pense pas que beaucoup de Nytelovers t’en voudraient pour ça.

— Et alors ? Je ne vois pas en quoi ça les regarde.

— C’est bien le problème. À tes yeux, on dirait qu’il n’y a pas grand-chose qui regarde les autres.

— D’ailleurs, interrompit Kalia, tu as à nouveau deux yeux ?

— Je ne crois pas que mes yeux soient le problème », répondit froidement Axelle.

L’elfe grimaça. Elle voulait juste changer de sujet en espérant détendre l’atmosphère mais, apparemment, c’était raté.

« Écoute, expliqua Edine, je ne veux pas que tu le prennes mal, mais les Nytelovers ne sont pas à ton service. Tu nous donnes peu d’informations, tu nous laisses dans l’obscurité… Je te fais confiance, Kalia te fait confiance, mais les autres ont besoin d’un peu plus. Tu ne peux pas leur demander de risquer leur vie aveuglément.

— D’accord, soupira Axelle. D’accord. Tu as peut-être raison. Cela dit, c’est un peu tard.

— Comment ça ?

— Erekh attaque le Darnolc. On ne peut plus attendre.

— Merde, lâcha Edine.

— Quoi ? s’étonna Kalia. Mais comment ça se fait ? Est-ce que la reine est stupide ?

— Je n’en sais rien, mais je suppose qu’il est temps que j’arrête le boulot en solitaire, hein ? »

***

La démone regardait les orcs qui s’étaient réunis. Il y avait quelques centaines de personnes, ce qui était un certain nombre pour le petit village en ruine, mais restait fort peu comparé aux milliers de soldats de l’armée royale. Selon Edine, d’autres Nytelovers étaient déjà dans Antrek et pourraient participer à l’insurrection, mais elle craignait que cela reste de l’ordre de quelques centaines. Heureusement, les Onims étaient plus nombreux, même si cela compliquerait certainement la situation après la prise du pouvoir.

« Bon », fit Axelle et elle commença à parler, assez lentement pour qu’Edine puisse traduire au fur et à mesure. « J’ai reçu des nouvelles. Les dirigeants d’Erekh ont apparemment décidé d’envahir le Darnolc. Je pense que nous devons agir maintenant, pour profiter du chaos, sans attendre qu’il y ait des milliers de morts dans la guerre. Je… hum… »

Elle soupira et attendit que l’orc ait fini de traduire avant de reprendre.

« Je… je crois qu’il serait honnête que je vous dise quelque chose. Je suis un démon. Ce n’est pas quelque chose que j’ai choisi ou dont je suis fière, mais voilà. J’ai des raisons personnelles d’en vouloir à Elyareleth. Je compte le tuer, ou en tout cas essayer. Cela va probablement bouleverser la situation. Je pense que vous pouvez en profiter. Pour le reste, c’est à vous de voir. »

Elle fit une nouvelle pause, pour laisser le temps au traducteur de finir.

« J’ai eu tendance à… prévoir des plans. Un peu toute seule. Je m’en excuse. Ce n’est pas à moi de vous dire ce que vous devez faire. J’ai quelques idées sur ce qui me paraît efficace. Je vous les dirai. Enfin, Edine vous les dira, plutôt, ce sera plus simple. Je sais qu’on aurait dû en discuter avant. Désolée aussi. Voilà. »

Son « discours » terminé, Axelle alla s’asseoir à côté de Kalia, tandis que les orcs commençaient à parler entre eux.

« C’est bien d’avoir dit ça, fit l’elfe.

— Mouais.

— Tu n’as pas l’air très joyeuse.

— J’ai peur.

— D’habitude, c’est plutôt moi.

— Je sais. Tu n’as pas peur ?

— Oh, si. Je suis morte de trouille. Cela dit, je finis par y être habituée.

— Tu sais, je commence à me demander si tout ça est une bonne idée.

— On pourrait encore laisser tomber et rentrer, suggéra Kalia sans trop y croire.

— Je crois que c’est trop tard. Comme on dit, le sort en est jeté.

— J’espère que tu en as prévu quelques-uns en réserve, si ça tourne mal.

— Non. La magie, ce n’est pas mon truc. Rien ne vaut un morceau de fer bien lourd. »

***

Axelle se réveilla vers midi avec un début de migraine. Elle n’avait pas dormi de la nuit parce qu’il avait fallu discuter avec les Nytelovers, ce qui s’était avéré assez pénible étant donné qu’il fallait traduire la moindre phrase qu’elle prononçait.

Ils n’avaient pas tout de suite accepté ses plans, car certains avaient mis en doute sa fiabilité : si elle ne parvenait pas à éliminer Elyareleth, alors toute l’insurrection risquerait dangereusement de se faire massacrer. Par conséquent, une partie des orcs aurait préféré attendre le bon moment avant la tentative de coup d’état.

Au final, la majorité des Nytelovers présents avaient tout de même fini par tomber d’accord avec la jeune femme ; c’était, après tout, la dernière possibilité d’éviter une guerre meurtrière.

Axelle était satisfaite de leur décision et avait aussi reçu l’aval des Onims. Elle ne se sentait pas détendue pour autant : maintenant, si les choses se passaient mal, elle aurait la vie de milliers de personnes sur la conscience.

Heureusement qu’elle n’était pas censée avoir de conscience.

***

Axelle traversa le village endormi et se dirigea vers l’ancienne forge, espérant y trouver Kalia. L’elfe s’y trouvait effectivement, mais elle dormait encore. La démone lui caressa l’oreille.

« Humpf ?

— Tu es partie avant la fin de la discussion, hier soir. T’as peut-être envie de savoir ce qu’ils ont décidé.

— Ça aurait pu attendre une heure.

— Je suppose, admit Axelle en tripotant un cylindre de fer qui traînait. Ils ont décidé de partir pour Antrek ce soir. Ils veulent être prêts demain à l’aube. On attaquera au lever du soleil.

— Donc, c’est peut-être notre dernier jour à vivre.

— Tu pourrais encore rester là.

— Et tu pourrais encore renoncer, même si tu dis le contraire. Je suppose qu’aucune de nous deux ne le fera.

— D’accord. C’est quoi, ce truc ?

— Quel truc ? demanda l’elfe en se levant. Oh, ça ? Ben, tu as vu leurs Snikovs ?

— Ouais. Il paraît que ce n’est pas super précis.

— C’est possible. C’est aussi moins rapide et plus bruyant qu’une arbalète. Seulement, leur poudre a un avantage, c’est que c’est elle qui fournit l’énergie et pas une corde qu’il faut tendre.

— Tu peux m’épargner les détails techniques, tu sais. Je te demandais juste ce que c’était.

— J’ai essayé de construire une arbalète comme la mienne, adaptée à ce principe. Et ça marche plutôt bien. Le mécanisme est plus simple, il n’y a pas besoin d’avoir une pierre enchantée.

— Une Kalia-Snikov, quoi.

— Je n’avais pas pensé au nom. Je me disais que ça pourrait être utile. Contre le démon…

— Ou contre n’importe qui. Sois gentille, évite de trop parler de ça, d’accord ? Je pense que les gens ont suffisamment tendance à s’entre-tuer pour qu’on leur donne des idées sur des moyens plus efficaces de le faire.

— Et c’est un démon qui me dit ça.

— Ben, ouais. J’ai envie de garder un certain avantage dans les combats. »

***

Kalia consacra sa dernière journée dans le village à finir les réglages de son arme, tandis qu’Axelle échangeait des chauves-souris avec William. Elles firent ensuite l’amour une dernière fois, même si toutes les deux espéraient que ça ne serait pas vraiment la dernière.

Puis elles se rhabillèrent lentement, sans grande conviction.

« J’imagine qu’il faut y aller, soupira Kalia.

— Oui, dit simplement Axelle. Je suis désolée. »

Elle lui expliqua les détails de l’opération tandis qu’elles marchaient vers la vieille ferme où avaient été installés les dragons.

« Il y a deux sentinelles sur le toit. William va les éliminer pour qu’on puisse atterrir.

— Éliminer… définitivement ? demanda Kalia, qui accordait sans doute plus d’importance aux vies humaines — ou orques — que son amie.

— C’est lui qui verra s’il peut faire autrement. Ensuite, on descend deux étages. D’après Angèle, il y aura cinq gardes à éliminer. Probablement définitivement. Et silencieusement.

— Plus facile à dire qu’à faire.

— Si tu as toujours ton ancienne arbalète, ça devrait aller, surtout avec William et son amie imaginaire. Il faut juste éviter de réveiller le roi et sa copine.

— Tu as de nouvelles informations sur elle ?

— Non. Je sais juste que c’est elle qui l’a invoquée. Elle doit maîtriser un peu de magie. Elle a probablement un lien avec le démon, une façon de communiquer. Si on veut les prendre par surprise, il faudra s’occuper des deux en même temps.

— Je sais, soupira Kalia, qui avait déjà discuté de cette partie-là du plan, mais je ne me sens pas capable d’abattre une gamine en train de dormir.

— J’ai bien compris. William se chargera de ça. Tu seras en arrière, avec ton engin, au cas où ça tourne mal.

— D’accord.

— Voilà, je crois que tu sais tout ce qu’il faut. À moins que tu aies des questions ?

— Non, ça va. Je suppose que ce n’est pas la peine que je dise que je suis morte de peur ?

— Non, répondit Axelle en souriant. On y va ?

— Une seconde. C’est quoi, cette épée dans ton dos ?

— L’épée de Lumina. Armand tenait à ce que je la prenne.

— L’épée qu’on ne peut pas porter parce qu’elle brûle la main ? s’étonna l’elfe.

— Je crois que j’ai compris comment l’arme fonctionnait.

— Comment ?

— J’aime bien garder des petits secrets », répliqua la démone en souriant.

Et puis, surtout, elle ne tenait pas à inquiéter son amie.

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