Le 8 mars dernier mon dernier roman, La fusillade est une science sociale, a été publié. J’avais prévu de faire un petit billet pour accompagner cette sortie, mais celui-ci arrive finalement plus tard que prévu.
Le but de cet article est d’expliquer un peu l’intention que j’avais en écrivant ce livre, et pourquoi ça a été si long de le publier. Ça implique de parler un petit peu de certains aspects. Personnellement, je ne considère pas que cela gâche grand chose, mais si vous êtes du genre à faire très attention au divulgâchage, alors lisez le roman avant de lire cet article.
Content warning : mort, maladie
Une suite qui n’en est pas une
La fusillade est une science sociale reprend trois protagonistes de La sorcellerie est un sport de combat et se déroule après ce dernier, mais il s’agit d’un roman indépendant qui peut — éventuellement — être lu séparément.
(On y voit également deux personnages qui apparaissent dans Punk is undead, mais cela n’a pas une très grande importance.)
L’idée était de faire une nouvelle aventure avec ces « héroĩnes », en un peu plus court et « ramassé » et peut-être, d’une certaine manière, moins sérieux.
24 heures chrono
L’idée de base de ce roman tient à une idée stupide que j’ai eue quand je regardais l’intégrale de la série 24 heures chrono : écrire un roman qui soit « en temps réel ».
Évidemment, je ne suis pas stupide, et je me suis tout de suite rendue compte que cela n’avait aucun sens, mais ça n’était pas une raison suffisante pour ne pas le faire.
Je me suis donc attelée à ce projet qui se déroulerait sur une seule nuit, en me fixant que cent caractères faisaient une minute, mesure que j’ai appliquée à peu près scrupuleusement au moment de l’écriture mais que je n’ai pas spécialement cherchée à conserver au moment des corrections parce que ça aurait vraiment été un merdier sans nom.
Des jeux de mise en page avortés
Malheureusement, je n’ai pas réussi à intégrer un élément que j’adore dans 24 heures chrono : les passages en écran splittés.
Il y a quelques passages qui se déroulent simultanément, et j’avais à la base l’idée de faire en sorte qu’ils soient, au niveau de la mise en page, affichés côte à côte, en deux ou trois colonnes.
J’ai passé des heures à galérer parce que le format que j’utilise pour l’écriture (le Markdown) n’est clairement pas adapté pour ce genre de subtilités de mise en page, et que réussir à faire en sorte que ça marche à la fois pour le PDF, mais aussi pour le HTML et le fichier EPUB était une plaie sans nom.
Et, au final, c’était malheureusement à peu près illisible donc j’ai dû, pour une fois, abandonner une idée stupide.
C’est un grand échec.
Une thématique difficile
Ce n’est cependant pas cela qui a rendu la publication de ce roman si compliqué et si longue, mais qu’un aspect du récit résonnait trop près de choses qui m’avaient touchée après l’écriture du premier jet. (L’expression qui me vient spontanément est Hit too close to home, mais j’ai du mal à trouver un équivalent en français.)
En effet, on apprend assez vite dans le roman que la protagoniste, Razor, est atteinte d’un cancer du poumon.
C’était clairement inspiré (et peut-être une sorte de clin d’œil) de Constantine/Hell Blazer — une source d’inspiration que je ne cite pas forcément souvent mais qui a été importante pour mon traitement de tout ce qui est sorcellerie dans mes œuvres. Dans le film avec Keanu Reeves comme dans un arc des comics, le personnage est atteint d’un cancer du poumon en phase plus ou moins terminale mais parvient à s’en sortir grâce à sa roublardise et à base d’accords avec des démons (avec des différences dans le film et les comics, mais peu importe).
Dès le début, je n’avais pas envie de copier ce traitement de la maladie qui consiste à l’introduire comme une menace qui pèse sur le personnage mais qui est levée de façon complètement magique à la fin du roman, et au contraire qu’à la fin de l’intrigue le personnage ne puisse plus fuir et s’imaginer un échappatoire facile et romantique.
Ce n’est clairement pas hyper bien traité, et c’était clairement casse-gueule de mettre une thématique aussi sérieuse et lourde dans un roman plutôt léger.
C’est devenu bien plus difficile quand ma maman est morte brutalement d’un cancer du poumon, et j’ai un peu enterré ce manuscrit en me disant qu’il faudrait qu’un jour je me repenche dessus sérieusement et soit que je traite vraiment mieux cette thématique, soit que je la supprime entièrement.
Une conclusion non satisfaisante
Finalement, je n’ai fait ni l’un ni l’autre. Le texte final est, peu ou prou, identique au manuscrit d’origine (je ne parle pas des corrections habituelles au niveau de la forme), et le traitement de la maladie est insatisfaisant.
J’hésitais à m’apesantir un peu plus dessus, mais je n’en avais pas le courage, et je trouvais que ça ne collait pas au côté très « rapide » du récit. Je n’avais pas envie de rendre la conclusion trop longue alors que j’aimais finalement assez celle de la version actuelle : les protagonistes ont vécu une nuit de chaos et de furie, et il est assez évident qu’il y aura des conséquences et des choses pénibles à gérer, que ça prendra du temps et que ce sera difficile, mais ce sera plus tard et ce n’est pas le cœur de ce livre.
Et c’est, peut-être, ce que j’ai dû accepter en publiant ce livre : que, non, je ne trouverais pas les bons mots pour apaiser ce qu’on peut ressentir face à la maladie et à la mort. Peut-être qu’il n’y a que le temps qui peut faire ça.
Bref
Voilà, tout ça pour dire que, malgré ça, La fusillade est une science sociale est sorti et qu’en le relisant pour faire les correction je le trouvais pas si pire. J’espère que des gens l’apprécieront malgré ce parcours un peu particulier, même s’il n’a sans doute pas le côté politique que peuvent avoir Une autobiographie transsexuelle (avec des vampires) ou Enfants de Mars et de Vénus.