J’avais, sur Mastodon, plusieurs fois blagué sur le fait que j’allais faire un énième tutoriel Mastodon. Eh bien, nous y voilà. Est-ce qu’il y a des garanties que vous y trouverez des choses que vous n’auriez pas pu trouver ailleurs ? Probablement pas, mais c’est pas grave, je vais quand même faire des articles beaucoup trop longs.
Il se trouve que j’ai récemment lancé une instance, corneill.es, et que j’aimerais bien raconter aussi mon expérience à ce sujet, au cas où cela intéresserait des gens.
En attendant, commençons par les bases.
Mastodon et le Fédivers, c’est quoi ?
Alors, je ne vais pas m’éterniser là-dessus, parce qu’il y a d’autres sites qui expliqueront ça mieux que moi. En gros, à la base, il y a ActivityPub, qui est un protocole qui permet à des serveurs de communiquer entre eux pour échanger des messages, des articles, etc. Et, donc, il y a différents logiciels qui utilisent ça. Mastodon en est un, tout comme Peertube (alternative à Youtube) en est un autre, Friendica un autre, et il y a même des plugins pour WordPress pour lui faire utiliser ActivityPub.
L’avantage de tout ça, c’est que si vous avez un compte sur une instance Mastodon, vous pourrez aussi vous abonner à une chaine sur Peertube ou même à ce site. C’est ce qu’on appelle le Fédivers.
Mastodon, lui, est un logiciel de « micro-blogging », c’est-à-dire que ça reprend plus ou moins le format de Twitter, qui peut ensuite être installé sur différents sites, qui sont appelées « instances », mais bon fondamentalement c’est un site web. Vous pouvez vous créer un compte sur un de ces sites web, et vous aurez donc un identifiant @identifiant@site.web.
Avec ce compte, vous pouvez interagir avec à peu près tout le fédivers. (Mais, en vrai, si vous faites comme tout le monde, vu que c’est pour faire du micro-blogging, vous allez plutôt surtout interagir avec des gens qui font aussi du micro-blogging et pas trop des chaînes vidéos, des blogs, etc., donc surtout avec des gens qui sont aussi sur Mastodon (ou éventuellement Pleroma ou Misskey, sur lesquels je reviendrais peut-être dans un autre article)).
Comment choisir mon instance ?
Du coup, ça emmène à quelque chose qui fait visiblement peur à certaines personnes qui découvrent Mastodon : il y a plusieurs (et même beaucoup d’) instances Mastodon, et pas un seul site comme Twitter. Donc, laquelle choisir ? Comment faire ce choix crucial ?
La réponse facile, si vous débarquez, c’est qu’en vrai c’est pas un choix dramatique, que vous pourrez toujours en changer plus tard, et que vous pouvez juste aller sur JoinMastodon et en prendre une un peu au pif dont les inscriptions sont ouvertes. Ou, si vous parlez français, Piaille.fr est un choix par défaut qui me parait tout à fait valable.
Maintenant, ici, on ne va pas forcément se limite à la réponse facile, et on va s’intéresser au cas où vous ne débarquez pas mais que vous avez déjà un compte et que vous envisagez de changer d’instance pour trouver celle où laquelle vous voulez vraiment vous installer. Et, là-dessus, on va d’abord regarder quels impacts concrets ça peut avoir de choisir une instance plutôt qu’une autre.
La modération
L’aspect sans doute le plus important, c’est la politique de modération, que vous pouvez en général consulter dans la page « à propos » d’une instance Mastodon. En général, vous aurez envie de trois choses :
- D’abord, ne pas vous faire mettre dehors au bout de deux jours. Et donc, globalement, que l’instance en question accepte ce que vous allez pouvoir raconter. Il y a des choses évidentes qui peuvent poser problème, comme être un nazi qui veut poster des choses d’extrême-droite (il y a des instances sur ces bases-là, mais je ne vais pas leur faire de pub), mais des instances peuvent aussi vouloir limiter les posts dans une langue donnée ou avoir des règles spécifiques qu’il est bien de lire.
- Ensuite, être un minimum protégé·e par la politique de modération de votre instance : par exemple, vous n’avez peut-être pas envie que des nazis puissent voir ce que vous raconter et vous insulter en commentaires.
- Et enfin, vous avez à priori envie de pouvoir communiquer avec vos ami·e·s, c’est tout l’intérêt du Fédivers. C’est plus compliqué si votre instance est bloquée par l’instance de vos ami·e·s, par exemple parce qu’elle accepte que des nazis se créent des comptes dessus pour aller insulter des gens en commentaires.
Bref, ça peut être bien d’avoir un minimum confiance dans les personnes qui gèrent le site sur lequel vous vous créez un compte, surtout si c’est quelque chose qui a une certaine importance pour vous. Et ça rejoint aussi le point suivant :
L’administration
Je mets un point différent de la modération pour tout ce qui va concerner le fait, en gros, que le site sur lequel vous avez créé un compte existe et fonctionne. Vous n’avez pas envie que votre compte disparaisse du jour au lendemain parce que la personne qui gérait l’instance a décidé de débrancher la prise.
Parmi les facteurs qui peuvent aider à se faire une idée : est-ce que c’est géré par une personne ? Par une association ? Une entreprise ? Depuis quand est-ce que l’instance existe ?
Par exemple, j’ai créé une instance corneill.es pour les créatrices LGBT. Si je prends ces critères : instance gérée par une seule personne, qui existe depuis moins d’un mois, même si je compte être un minimum sérieuse avec ce serait plutôt un à priori négatif pour vous créer votre compte principal dessus sans prendre de précautions.
La timeline locale
Un autre aspect, moins vital mais assez important, dans le choix d’une instance, c’est la timeline locale. Celle-ci vous permet de voir tous les posts publiques postés par d’autres personnes de cette instance. Et, de façon similaire, vos posts publiques seront visibles par tous les autres membres de votre instance.
Ça peut donc être un bon moyen pour découvrir de nouvelles personnes à suivre, ou pour que d’autres personnes vous suivent. À condition, évidemment, de partager les mêmes centres d’intérêt, que vous ne soyez pas la seule personne de cette instance à parler une langue, etc.
C’est d’ailleurs, à mon avis, un gros point fort du fédivers par rapport à Twitter, qui est largement perdu si vous rejoignez une très grosse instance avec des centaines de milliers de personnes, où du coup tout sera noyé dans un brouhaha.
Le logiciel
Bon, jusqu’ici, on n’a parlé que de Mastodon. Mais, même pour Mastodon, il y a différentes versions, à la fois dans les numéros : certaines instances n’ont pas forcément la dernière version de Mastodon. Et puis, il y a aussi des versions un peu modifiées de Mastodon, comme Mastodon Glitch Edition ou Hometown.
Pour la plupart des usages, ça n’aura pas forcément de grandes différences, mais cela peut ajouter quelques fonctionnalités. Par exemple, Mastodon Glitch apporte la possibilité de formatter un peu (italiques, gras, listes à puces) vos posts avec du Markdown ou de l’HTML, tandis que Hometown a un meilleur support des listes.
Ces différentes variantes restent cependant proches de Mastodon « classique » et il est possible de migrer un compte sans problèmes entre des instances qui utilisent différentes version de Mastodon.
Il existe aussi des logiciels totalement différents, mais qui vous permettront aussi de faire du microblogging, comme Pleroma et Misskey, et qui peuvent offrir des fonctionnalités différentes (comme le « quote » pour Misskey) ; en revanche, vous ne pourrez pas transférer votre compte depuis ou vers une instance Mastodon aussi facilement (même si Pleroma permet depuis peu la migration vers/depuis Mastodon).
Les émojis
Un point qui est rarement mis en avant dans les critères pour le choix d’instance mais qui a son importance au quotidien : les émojis. Sur Mastodon, chaque instance peut ajouter un certain nombre d’émojis personnalisés. Ces émojis seront visibles par les gens d’autres instances lorsque vous posterez mais, à l’heure actuelle, vous ne pouvez pas utiliser d’émojis d’une autre instance dans vos propres messages.
Est-ce que c’est le critère principal pour choisir une instance ? Sans doute pas. Mais pouvoir faire confiance aux personnes qui gèrent l’instance en est un, et donc on pourrait glisser leur écoute face à la suggestion de nouveaux émojis là-dedans.
Le nom de domaine
Pour terminer, on pourrait aussi parler du nom de domaine, qui fait partie de votre identifiant complet sur le fédivers. En vrai, pour la plupart des gens, cela n’a pas forcément une grande importance. Mais si vous êtes un·e petit·e artiste ou artisan·e et que les réseaux sociaux sont un moyen important pour vous faire connaitre, ça peut éventuellement être intéressant de prendre ça en compte. Et si vous êtes une grosse association, une entreprise, etc., ça peut aussi être intéressant d’avoir une instance à vous pour vous assurer d’être bien identifié.
Oh, non ! Je voulais faire un tutoriel rapide sans m’étendre sur quoi que ce soit, et j’ai déjà passé tant de temps juste sur le choix d’instance ? Bon ben, c’est parti pour un début de série d’articles /o\