Je regarde cet entretien sur Mediapart « L’arrêt du tabac est la seule alternative anticapitaliste » et ça me fait penser que je voudrais revenir sur un point sur lequel je me sens pas mal merdique et pour lequel je voudrais présenter des excuses.
Quand j’écris des romans, j’essaie de ne pas reprendre bêtement les clichés mortifères qu’on peut voir partout. Il y a des cas où je pense avoir réussi à faire un peu mieux que ce qu’on pouvait voir ailleurs, notamment sur la transidentité.
Mais sur le tabac, purée, qu’est-ce que j’ai fait de la merde.
J’ai complètement repris les codes instillés par l’industrie du tabac avec Hollywood et qui rendent cette drogue (parce que oui, c’est une drogue) sexy et désirable.
C’est des codes, des images, qui me venaient spontanément. Un personnage badass qui s’allume une clope ou un cigare, si possible avec un gros zippo, c’est encore plus badass, non ? (Non).
Par fainéantise, aussi, avoir des personnages qui fument c’était vachement plus facile pour rythmer un peu les dialogues avec des petites action comme « s’allumer une cigarette», « tirer sur sa cigarette », etc.
J’ai pas questionné d’où ça venait. J’ai pas questionné l’impact que ça pouvait avoir. J’ai échoué à appliquer les principes éthiques que je pense on devrait au maximum avoir en tête quand on écrit de la fiction.
Je ne sais pas quel impact précis ça a pu avoir sur les personnes qui ont pu me lire, en particulier sur des jeunes. Évidemment, vu la diffusion, c’est sans doute plus restreint que d’autres, mais je pense que ce serait me voiler la face que de penser qu’il n’y en a eu aucun.
Tout ce que je peux faire, c’est présenter mes excuses à toutes celles et tous ceux à qui j’ai donné cette image du tabac comme quelque chose de sexy ou de cool par le biais insidieux de la fiction.
Je savais, évidemment, les conséquences du tabagisme. Mais jusqu’à ce début d’année 2022, ça restait un truc abstrait, que j’avais du mal à me figurer. Et puis j’ai vu ma mère mourir d’un cancer du poumon. Ça joue sans doute sur la culpabilité que je peux ressentir et le côté un peu dramatisant que vous trouverez peut-être à tout ce message.
Après, je sais que m’auto-flageller servira à rien. Je peux juste essayer de faire mieux, et de pas attendre d’être placée à l’horreur pour réfléchir aux messages que mes œuvres peuvent faire passer, même si c’est juste parce que ça reprend des codes sans réfléchir.
Condoléance pour ta mère. La mienne est toujours là, mais mon grand-père est mort d’un cancer du poumon, de même que mon beau-père. Mon père, c’était le pancréas, mais le tabac n’y était sans doute pas pour rien. Je comprends ce que tu peux ressentir. Les vivants éprouvent toujours des remords par rapport aux morts qu’ils laissent derrière eux. Chacun se trouve ses propres prétextes pour cela.
Mes personnages fument rarement et cela n’a jamais été, je crois, le cas dans des textes que j’ai soumis à un public (si on peut dire, je crois que la plupart du temps, hors quelques proches, la salle est vide). Je ne ressens, du coup, pas le besoin de m’excuser pour cela et je n’en éprouve pas de remord. Est-ce pour autant que je ne dois pas m’interroger sur le rôle du tabac dans mes écrits ? dans ma vie ?
Je laisse la question ouverte. D’abord, parce que je manque de temps ce soir et que je ne peux répondre en deux mots. Ensuite, c’est ton blog, pas le mien, je ne vais pas squatter.
Tout ça pour dire qu’il faut être indulgent avec soi-même quand on fait son deuil, c’est assez dur comme ça. Et puis, il faut savoir se pardonner ses erreurs : c’est aux salauds de s’excuser.