À mi chemin entre True Blood et Sons of Anarchy, avec plus de lesbiennes
— J’ai conscience que, pour beaucoup de gens, je ne peux pas être une vraie lesbienne parce que je suis trans. Et j’avoue que j’ai du mal à imaginer qui pourrait tomber amoureuse d’une fille comme moi.
— Je vais te donner le même conseil qu’aux jeunes vampires qui viennent de subir leur transformation et qui ont une sale tendance à se lamenter sur le fait qu’ils sont des monstres et qu’on les regarde bizarrement : oui, c’est difficile au début, oui, les gens sont des connards, mais, non, je ne suis pas la bonne personne auprès de qui venir chercher du réconfort ou à qui déclamer des poèmes qui illustrent la douleur de ton âme tourmentée. Rassure-moi, tu n’écris pas de poèmes ?
Pitch
Afin d’avancer dans son parcours trangenre, Cassandra décide de se procurer des hormones de manière illégale, sans se douter que l’association lesbienne à laquelle elle s’adresse sert en fait de couverture à un gang de motardes surnaturelles.
Depuis sa première sortie en Harley jusqu’à sa participation à des règlements de comptes, Cassandra nous raconte son histoire. Elle parle aussi de son combat et des différents obstacles auxquels elle a dû faire face dans sa quête d’identité :
- Comment obtenir des hormones et trouver un médecin compréhensif ?
- Peut-on être acceptée par des lesbiennes surnaturelles lorsqu’on est une pathétique mortelle ?
- Et, surtout, que faire face à une vampire ”bikeuse” qui a envie de vous pour son quatre heures ?
Constituée de trois histoires où l’on suit le parcours de la narratrice, Cassandra, et d’un gang de lesbiennes surnaturelles, les Hell B☠tches cette oeuvre mélange thématiques féministes, lesbiennes, transgenre et vampiriques.
Extrait
Je suivis Valérie alors que nous remontions la rue Gambetta.
« C’est là », dit-elle.
Je me tournai et aperçus un bar plutôt voyant dont la devanture proclamait fièrement : « From L, pour les filles de la nuit ». Je trouvai étrange de ne l’avoir jamais remarqué jusque-là. Ce n’était pourtant pas un lieu discret.
« C’est là depuis longtemps ? demandai-je. Je passe dans cette rue régulièrement, et…
— Filtre perceptif, expliqua Valérie en déverrouillant la porte. Ça pousse les esprits non entraînés à regarder ailleurs. Sauf si on sait ce qu’on cherche… »
Voilà qui expliquait sans doute pourquoi, à chacune de nos rencontres, je ne m’étais pas rendue compte de sa présence avant qu’elle ne m’adresse la parole.
« Je comprends mieux l’expression « lesbienne invisible », maintenant… »
Elle me jeta un regard blasé avant de me faire entrer dans le bar.
« On est fermées aujourd’hui, dit-elle en allumant la lumière. D’habitude, l’ambiance est quand même un peu plus chaleureuse. »
Elle s’assit à une table et je la suivis, en prenant le temps de regarder la décoration. Le tout était très sombre et faisait un peu mélange entre bar gothique et hangar désaffecté : les têtes de mort et les bougies noires, ainsi qu’un impressionnant réfrigérateur relooké en cercueil, côtoyaient de gros tuyaux métalliques rouillés et des vieux barils qui servaient de tables.
« J’ai ce que tu veux », annonça-t-elle.
Elle sortit triomphalement un gros sachet en plastique de son sac à dos.
« Hormones féminines, modèle « gel à tartiner ». Rassure-toi, ça tache moins que le Nutella. »
La porte du bar s’ouvrit soudainement et une grande blonde aux cheveux courts et à l’allure de métalleuse – pantalon noir à sangles, blouson en cuir de la même couleur, croix inversée, tout y était – entra d’un pas rapide avant de refermer la porte brutalement.
Elle nous dévisagea ensuite tour à tour, s’attardant un peu trop longuement sur moi à mon goût.
« Salut, Morgue, lança Valérie.
— ’lut, Val », répondit la nouvelle venue.
Après quoi, elle se tourna à nouveau vers moi et me désigna du doigt. Je pus au passage constater qu’elle avait des ongles noirs suffisamment longs pour pouvoir prétendre au titre de griffes.
« C’est quoi, ça ? »
Valérie soupira, et je sentis le sang me monter aux joues. Je m’étais déjà fait traiter de travelo dans la journée, maintenant « ça » ? Je commençais à en avoir plus que marre.
« Vous avez un problème parce que je suis transsexuelle ? » demandai-je sur un ton agressif.
Morgue s’approcha de moi et retroussa ses lèvres, dévoilant des canines proéminentes.
« Non, j’ai un problème parce que t’es de la nourriture. Ce qui n’est pas un mal en soi, vu que j’ai méchamment la dalle. Seulement, on n’a plus le droit de manger les humains, de nos jours, quoique je suis en train de me dire que je pourrais faire une exception à mon régime. »
Valérie prit une grande inspiration et se tourna vers la vampire – cette fois-ci, je n’avais pas besoin de le demander pour n’avoir aucun doute sur le fait qu’elle en était bien une.
« Morgue, s’il te plaît…
— C’est un endroit secret ! Tu comprends ce que ça veut dire ? Ça veut dire : ne pas amener de putain d’humains !
— On n’est plus un endroit secret, protesta Valérie d’une voix calme. Nous sommes une association légale qui agit au grand jour.
— J’ai voté contre cette décision ! » cria Morgue.
Elle s’assit ensuite à côté de moi et s’intéressa de nouveau à ma personne.
« C’est quoi, ton nom ? demanda-t-elle.
— Cassandra.
— C’est un nom à chier », lâcha-t-elle, lapidaire.
Valérie lui lança un regard mauvais.
« Arrête d’être désagréable, s’il te plaît. Et puis, on était en train de discuter, toutes les deux. Tu ne veux pas nous laisser ?
— Oui, ajoutai-je. Accessoirement, dans la série « nom à chier », Morgue ? Sérieusement ? »
La vampire me regarda dans les yeux avec un air menaçant avant de me montrer ses dents une nouvelle fois.
« C’est bon, soupirai-je, j’ai compris, tu as les plus grandes canines. »
Comme pour me répondre, elle s’allongèrent encore de deux bons centimètres.
« Ouais, fit Morgue avec un sourire. Qu’est-ce que tu viens faire ici, Cassie ? »
Je lui montrai le sac avec les hormones qui traînait sur la table.
« Valérie m’aide à me procurer ce genre de choses. »
La vampire continua à sourire, et ses canines se rétractèrent pour retrouver leur taille normale.
« Alors, tu n’es pas une étudiante qui tient à faire un entretien avec une vampire pour rendre son mémoire un peu plus exotique ?
— Non, soupira Valérie.
— Juste une transsexuelle », ajoutai-je.
Morgue hocha la tête, avant de se lever.
« D’accord, je vous laisse. Je vais grailler. Si on me cherche, je suis dans le bureau. »
Elle allait partir, mais sembla hésiter. Elle me regarda finalement avec un air interrogatif.
« Ton histoire de transsexuelle, ça a quelque chose à voir avec la Transylvanie ?
— Vous ne savez pas ce qu’est une transsexuelle ? » demandai-je, étonnée.
Je réalisai après coup que j’avais pris un ton dédaigneux et que ce n’était peut-être pas la chose idéale à faire face à une vampire assoiffée.
Heureusement, Morgue se contenta de soupirer d’un air blasé.
« Bien sûr que je sais ce qu’est une transsexuelle. Tu crois que t’es la première à venir ici ? C’était simplement une façon, d’une part, de montrer mon dédain envers ces termes trop nouveaux par rapport à mon existence millénaire, et, d’autre part, de caser une anecdote croustillante racontant comment j’avais défait ce connard de Dracula. Mais apparemment, tu n’es pas intéressée par ce genre de choses, alors je laisse tomber. »
Elle commença à s’écarter, puis se tourna une nouvelle fois vers moi en se passant la langue sur les lèvres.
« Oh, et pense à lui filer de la progestérone, aussi. Ça donne ce petit arrière-goût au sang. »
Valérie leva les yeux au ciel tandis que son amie nous quittait.
« Il ne faut pas lui en vouloir. Ou peut-être que si, à la réflexion. »
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